Ce que nous apprend le plus vieux livre du monde 📖
4000 ans nous séparent de l'épopée de Gilgamesh
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Qui, la mort venue, peut distinguer entre le serf et le maître ? Uta-Napishtim
C’est un récit sumérien vieux de presque 4000 ans, trouvant ses origines en Babylonie. Il a inspiré l’ancien testament, rédigé 10 siècles plus tard, et s’est propagé en Europe jusqu’au moyen âge. 160 générations nous séparent de nos ancêtres qui ont conté cette histoire en premier, d’abord à l’oral puis en la gravant sur 12 tablettes.
Les premières d’entre elles ont été retrouvées en Mésopotamie au VIIe siècle avant JC, avant d’être entièrement reconstituées 26 siècles plus tard. Il a fallu plus de cent ans pour les recomposer, les archéologues trouvant des fragments tantôt dans des ruines en Irak, tantôt chez des antiquaires à Bagdad.
Rédigée dans plusieurs langues, sous plusieurs alphabets, on y retrouve des fragments de sagesse qui apparaîtront plus tard dans pléthore de religions et de coutumes.
Je l’ai lu pour en extraire un brin de sagesse - et je n’ai pas été déçu. Voici ce que j’en ai retenu 🧐
De la rivalité peut naître l’amitié
Le récit conte l’histoire de Gilgamesh, roi d’Uruk à la puissance inégalée mais tyrannisant ses sujets, qui se voit envoyer un rival, Enkidu, un homme qui a grandi au milieu des bêtes. À la suite d’un affrontement entre les deux hommes, une admiration mutuelle naît et fonde une amitié forte, qui les pousse ensemble vers une mission : celle de terrasser le démon Humbaba.
L’épreuve est inhérente au succès
Qui donc, mon ami, pourra vaincre la mort ? (…) Les jours des humains sont comptés. Tout ce qu’ils font, le vent l’emporte. Tu crains déjà la mort et nous sommes encore ici. Laisse moi marcher devant toi et que ta voix me crie “Avance, n’aie pas peur”
À l’approche de l’aventure, Gilgamesh et son compagnon s’échangent des mots de courage. Suivant le schéma narratif du Héros de Campbell, les personnages suivent l’appel de l’aventure, et rencontrent des archétypes comme des mentors, des alliés et des antagonistes. Déjà ont-il compris qu’il fallait affronter leurs peurs pour grandir, et qu’ensemble ils sont plus forts face au danger.
Alliés, ils terrassent le démon Humbaba et le Taureau Céleste, avant qu’Enkidu ne soit puni par les dieux pour l’affront qu’il leur a fait. Sa mort marque le début de l’épopée existentielle de notre héros.
L’injustice est une fatalité
Pourquoi mon ami doit-il mourir ?
Gilgamesh s’interroge sur la punition divine - pourquoi son ami a-t-il été puni et pas lui, tout autant responsable d’avoir défié les dieux ? Ceci n’est pas sans rappeler le poids de la culpabilité de Caïn, à qui la mort est proscrite après avoir tué son frère Abel.
Enkidou, mon ami, mon compagnon, celui que j’ai aimé d’amour si fort, est devenu ce que tous les hommes deviennent. Je l’ai pleuré la nuit et le jour (…) je n’ai pas voulu le livrer au tombeau.
Gilgamesh ne parvient pas à faire son deuil, alors il quitte sa cité.
La vie a du sens car elle est finie
Convaincu que c’est son but, il part à la recherche de l’immortalité, traversant déserts arides et monts hostiles, errant sans direction, et finit par rencontrer le sage Sidouri, qui lui démontre que sa quête d’immortalité est vaine : là n’est pas le sens de l’existence.
Lorsque les grands dieux créèrent les hommes, c’est la mort qu’ils leur destinèrent. Sois joyeux nuit et jour, danse et joue, fais chaque jour de ta vie une fête de joie et de plaisirs (…) flatte l’enfant qui te tient par la main, réjouis l’épouse qui est dans tes bras. Voilà les seuls doits que possèdent les hommes.
La trivialité des possessions matérielles
Empli d’une sagesse nouvelle, Gilgamesh continue son périple. Arrivé au bout du monde, il finit par rencontrer Uta-Napishtim, devenu immortel après avoir survécu au déluge - très semblable à celui de la Bible.
Un jour les grands dieux ont décidé de faire le déluge (…) démolis ta maison et construis pour toi un bateau, abandonne tes biens et tes richesses, demande la vie sauve, rejette les possessions, préserve ta vie, charge dans le bateau la substance de tout ce qui vit. Uta-Napishtim fit monter les bêtes domestiques et celles de la pleine. La tempête dura sept jours, et il fut récompensé.
Après s’être vu conté cette histoire, Gilgamesh décide de rentrer chez lui- il a saisi son rôle, qui n’est ni de devenir immortel, ni d’accumuler des richesses, mais de devenir un homme meilleur avec ses pairs et ses subordonnés, et d’apprécier les plaisirs simples - car les jours sont comptés.
Retour aux sources
Il se met d’abord en quête d’une plante, qu’il finit par trouver, le symbole de la régénération : le serpent qui la dérobe se libère immédiatement de sa vieille peau. Gilgamesh, homme neuf, peut enfin revenir à la cité qu’il a quittée.
Notre héros traverse dans ce récit tout ce qui fait de la vie un voyage unique et périlleux : l’amour, la trahison, le deuil, l’adversité, la quête existentielle et la mort. Ses descendants y ont puisé des mythes, des anecdotes et des dieux, et surtout une sagesse commune.
À la lecture d’une telle oeuvre, plus moderne que ce que l’on pourrait penser, on ne peut être qu’imprégné d’une grande humilité. Car pour construire le futur, il est important de connaître nos racines : les erreurs que nous nous apprêtons à commettre, d’autres les ont faites avant nous. Le sens que nous cherchons dans notre quotidien, d’autres l’ont cherché avant nous.
Depuis 4000 ans, nos sociétés ont changé, la technologie a évolué, des empires ont été bâtis et réduits en poussière, mais une chose ne change pas : la nature humaine.
Où vas-tu Gilgamesh ? La vie que tu cherches, tu ne la trouveras pas.