Vaincre le syndrome de l'imposteur 👊
Les 4 étapes de la compétence ; tu n'es pas paresseux, tu as peur
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Lorsqu’il écrivait son chef d’oeuvre “Les raisins de la colère”, pour lequel il reçut le Pullitzer, John Steinbeck confiait à son carnet “Je ne suis pas un auteur. J’ai dupé tout le monde, à commencer par moi-même.”
Les exemples de prodiges qui se sentent illégitimes abondent. Kafka gardait un journal dans lequel il prétendait se sentir “totalement inutile” ; Tom Hardy affirme qu’il n’a aucune idée de ce qu’il fait ; Lady Gaga se sent parfois comme une loser étudiante qu’il faut sortir du lit par respect pour ses fans.
Le syndrome de l’imposteur n’a jamais été plus d’actualité, et c’est pour moi le plus gros obstacle à la réussite individuelle. Alors il faut apprendre à le connaître, et à le dompter.
Permis de créer
Depuis un an, je travaille sur un projet de film. La première question qu’on me pose systématiquement est la suivante :
“Ah bon ? Mais t’as pas fait d’études de cinéma, si ?”
Outre l’implication qu’il faudrait recevoir la signature d’une institution pour avoir une sorte de “permis de créer”, cette question implique aussi que si on n’a pas appris une compétence dans les 20 premières années de notre vie, on est condamnés à regarder les autres la pratiquer sans pouvoir y toucher.
Pourtant, tout comme l’entrepreneuriat, l’art ne s’apprend pas à l’école. Il s’apprend avec un peu de théorie et beaucoup de pratique.
Sur ce projet, je partais de très loin. Entre les castings avec des comédiens qui étaient déjà sur les planches quand j’étais nourri au biberon et les réunions techniques où la moitié des mots m’étaient inconnus, les premiers mois ont été difficiles.
J’ai été massivement confronté au syndrome de l’imposteur, et pour l’appréhender, j’ai décidé de mieux le comprendre.
4 étapes dans la compétence
Le chercheur Maslow, connu pour sa fameuse pyramide, a aussi travaillé sur la compétence. Il décrit 4 phases de progression dans la compétence :
D’abord, l’incompétence inconsciente : “je ne sais pas que je ne sais pas”. Avant de découvrir un domaine, on sous-estime souvent sa richesse, et on a tendance à penser que s’y confronter sera facile.
Ensuite, l’incompétence consciente : “je sais que je ne sais pas”. On a suffisamment gratté la surface d’un sujet pour en voir la profondeur, et on a le vertige. Par où commencer ?
Puis la compétence consciente : “je sais que je sais”. On a passé suffisamment de temps à apprendre et on commence à se sentir en maîtrise.
Enfin, la compétence inconsciente : “je ne sais pas que je sais”, quand on maîtrise tellement un sujet qu’on a l’impression qu’il est facile.
Le syndrome de l’imposteur apparaît en général dans deux de ces domaines.
Lorsqu’on sait qu’on ne sait pas, on est hors de notre zone de confort, en phase d’apprentissage. On est dépassé. On ignore pourquoi ceux qui collaborent avec nous tolèrent notre présence, et ce qu’on peut leur apporter.
Lorsqu’on ne sait pas que l’on sait, on a le problème inverse. Puisqu’on maîtrise tellement le sujet qu’il nous paraît facile, on se sent illégitime à s’en targuer et on devient humble.
Par conséquent, on est condamnés à confronter ce syndrome dès qu’on apprend quelque chose de nouveau.
Personne ne se sent jamais légitime
Car sortir de sa zone de confort est une condition indispensable à tout apprentissage. Sortir de sa zone de confort, c’est prendre des risques pour en tirer un résultat.
Et les individus passionnés ne cessent jamais d’apprendre. Ils sont par conséquent nécessairement exposés au syndrome de l’imposteur, quel que soit leur niveau d’expertise.
Denis Villeneuve, le réalisateur de Dune, confiait récemment dans une interview qu’il avait été très surpris par l’attitude du compositeur Hanz Zimmer lorsqu’il travaillait sur la bande originale du film.
“Il a pris énormément de risques”, dit Villeneuve, “il doutait de chaque chose qu’il me proposait, alors que je trouvais ça extraordinaire. Il est totalement sorti de sa zone de confort.”
Hans Zimmer avec le syndrome de l’imposteur. T’imagines ?
Le prix d’un environnement compétent
On s’est tous déjà retrouvés dans une réunion en se disant “Qu’est-ce que je fais là ?” On a tous déjà reçu un compliment où on s’est dit “Quelqu’un pense vraiment ça de moi ? Moi qui me connaît avec tous ces défauts, tous ces doutes ? Moi qui n’ai aucune idée de ce que je fais ?”
Pourtant, un environnement avec des gens que l’on admire est indispensable à cultiver. “Be the stupidest person in the room.”
Chercher à s’entourer de gens très compétents et francs, c’est augmenter massivement ses exigences envers soi, mais c’est le meilleur moyen d’apprendre vite.
Une complémentarité entre individus mène nécessairement à une admiration de l’autre, et à son propre syndrome de l’imposteur sur certains sujets.
C’est le prix à payer pour avancer. C’est aussi un mal difficile à reconnaître, tant il peut apparaître sous des atours séduisants.
Perfectionnisme & procrastination
“Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde”, disait Camus.
L’excuse pour se prélasser dans la théorie plutôt que l’action, c’est souvent le perfectionnisme.
Dans son livre “Big Magic”, Elizabeth Gilbert nous confie qu’un de ses camarades de classe, qui écrivait des textes magistraux, refusait de les publier car il les considérait imparfaits.
Pour lui, c’était une forme de courage ; pour elle, c’était l’inverse. Il était terrifié du jugement des autres.
“Je pense que le perfectionnisme est juste une forme de peur qui porte une robe à dentelles et des talons aiguilles”, écrit-elle. Le diable s’habille en Prada.
Camus illustre cela magistralement dans “La Peste”, où l’un de ses personnages passe l’intégralité du roman à réfléchir à la première phrase de son livre, qu’il finit par trouver sur son lit de mort.
Rester bloqué à cette première phrase était son moyen de ne pas affronter la difficulté et la discipline requises pour écrire son bouquin.
Et si le perfectionnisme est une forme élégante de la peur, alors la procrastination en est une incarnation grossière, en sandales crocs et en tee shirt graisseux.
“You’re not lazy, you’re afraid” me disait un ami. La paresse sert d’excuse à la peur de l’échec.
Réaliser qu’on n’est ni perfectionniste ni paresseux, mais qu’on a peur, est le premier pas vers le diagnostic. Et après le diagnostic vient la résolution.
Your favorite kind of shit sandwich
Car l’unique manière de surmonter le syndrome de l’imposteur, c’est d’être suffisamment déterminé pour affronter nos craintes régulièrement et pendant une longue période.
L’auteur Mark Manson a cette formule cocasse : “What’s your favorite kind of shit sandwich ?”. Il sous entend que chaque métier, chaque activité, vient avec son lot de désagréments.
Ainsi, notre objectif ne doit pas être de rêver à une activité sans problèmes, car cela serait pure utopie, mais de trouver celle où les défauts sont les plus supportables pour nous.
Le but n’est pas de ne jamais être confronté à ce fameux syndrome, mais bien de le dompter, de le traiter comme un mal nécessaire pour accomplir notre travail.
Alex Honnold, le grimpeur qui a escaladé l’un des murs les plus difficiles du monde en free solo, c’est à dire sans corde, a expliqué ça en ces termes : “Je n’essaie pas de supprimer ma peur, j’essaie d’élargir ma zone de confort.”
Or, le plus important quand on s’éloigne de sa zone de confort, c’est de savoir pourquoi.
Mesure de la réussite
Car la seconde question qu’on me pose systématiquement, c’est “Si tu n’as pas prévu de rentabiliser ton projet, c’est juste de l’argent perdu ?”
Cette question ne manque jamais de surprendre. Elle est symptomatique d’une vision où l’argent est un objectif plutôt qu’un moyen.
Un entrepreneur ne crée pas son entreprise uniquement dans un but financier, pas plus qu’un artiste avec une oeuvre.
En fait, la condition principale de réussite dans tous les domaines confondus c’est de voir l’argent non comme un but, mais comme un outil. Un outil qui permet soit de gagner du temps, qui est notre denrée la plus rare, soit d’augmenter notre niveau de satisfaction ou de sens.
Quand on commence un projet, il est indispensable de se demander comment on va en mesurer la réussite. Si on est insatisfait, il faut changer d’unité de mesure jusqu’à ce que notre quotidien soit aligné avec nos objectifs.
En s’enfermant dans l’angle financier, il devient très difficile d’évoluer. Car par définition, il est impossible de prédire les résultats d’un effort.
Un investissement pourra nous rémunérer de diverses manières : avec de l’argent, mais aussi avec de la passion, du bien-être ou de l’expérience, qui multipliera nos espérances de succès à la prochaine tentative.
Et l’objectif pourra paraître trivial pour d’autres personnes, à l’instar de l’interview de Quentin Tarantino, où il répond excédé à une journaliste qui lui demande pourquoi son film Kill Bill est si violent :
“Because it’s so much fun Jane ! Get it !”
Internet est une aubaine
Par chance, nous vivons à l’ère d’internet. Internet est le plus gros générateur du syndrome de l’imposteur, mais aussi le meilleur moyen de s’en affranchir. Cette technologie nous expose à une concurrence de 7 milliards d’individus, ainsi qu’à l’étendue grandiose des connaissances humaines.
Mais elle est aussi une occasion inespérée d’apprendre - elle est la meilleure alliée de la détermination, car elle est le chemin le plus court entre nous et ce qui nous intéresse.
Sur internet, on peut s’auto-former gratuitement, sur n’importe quel domaine. Sur internet, on peut contacter n’importe quelle personne au monde et avoir une sérieuse chance de recevoir une réponse.
Internet a grandement facilité la prise de risque en réduisant le coût de l’apprentissage, en temps et en argent, et donc de l’échec.
Et il n’y a pas de frontière claire entre une réussite et un échec. Parfois, on peut se satisfaire d’un “good enough”. Tout est une question d’état d’esprit.
Au fond, tout ça n’est qu’un jeu.
Peut-être que mon film sera très mauvais. Pourtant, je ne regrette pas une seconde ou euro investi.
Pourquoi ?
Because it’s so much fun, Jane !