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En lisant récemment “The Dip”, de Seth Godin, un passage a particulièrement résonné en moi:
On dit que les gagnants n’abandonnent jamais et que ceux qui abandonnent ne gagnent jamais. Mauvais conseil. Les gagnants abandonnent sans arrêt: ils abandonnent juste la bonne chose au bon moment. Des bénéfices extraordinaires vont à ceux qui ont le courage d’abandonner tôt et de se concentrer sur un nouvel objectif.
Il y a 3 ans, je rendais 80% de ma première levée de fonds à mes investisseurs, en me demandant si c’était la décision la plus stupide de ma vie.
Notre progression s’était faite tuer en vol par une série d’évènements hors de notre contrôle, qui nous ont pris de court. La plupart des hypothèses “Kill/hard pivot” que nous avions dressées en commençant à bosser sur le projet étaient cochées. Après nous être plongés dans notre marché pendant quelques semaines, il nous restait deux options:
Repartir de 0, trouver un autre marché et une autre idée avec les fonds restants
Passer à autre chose
Quelque chose me dérangeait à l’idée de faire payer mes investisseurs pour financer mon idéation et mon itération, alors qu’ils avaient investi dans un domaine particulier pour que nous accomplissions une mission spécifique.
Dans un écosystème où la résilience est la principale qualité recherchée, la décision a été incroyablement difficile à prendre. Mais mon état d’esprit était que passer 10 ans à creuser au mauvais endroit ne me ferait pas trouver le trésor par miracle, et qu’il valait mieux revenir plus tard avec une carte.
Au cours des 3 années écoulées depuis, j’ai pu m’intéresser de près à la blockchain, découvrir l’entrepreneuriat côté investisseurs, écrire mon premier roman, et rejoindre le startup studio Pareto. La quantité d’expérience que j’ai acquis durant cette période est inestimable. Mais je n’aurais jamais pris cette direction sans une action effectuée très en amont.
Faire ses hypothèses
Au premier jour de notre aventure, avec mon associé, nous avons rédigé un certain nombre d’hypothèses (j’en ai listé certaines en annexe de l’article) débouchant sur des actions très claires selon leur catégories: Kill/hard pivot (hypothèses fausses = on change de produit entièrement ou de marché entièrement) ; Soft pivot (hypothèses fausses = on fait des ajustements majeurs sur le produit ou la stratégie d’acquisition) ; P/M fit (hypothèses vraies: on accélère).
Faire ses hypothèses très tôt dans la vie du projet nous a permis de nous prémunir contre les effets suivants:
Le nez dans le guidon : relire souvent la mission qui nous animait au départ permet de se recentrer sur ce qui compte
Le biais de confirmation : il est plus difficile de ne voir que les informations qui vont dans notre sens quand on a listé en amont les points d’attention
L’impossibilité de prendre des décisions difficiles : les hypothèses sont une sorte de contrat moral conclu avec notre personne passée, que nous sommes obligés d’honorer par cohérence intellectuelle
Comprendre sa direction
Quand on entreprend, les faisceaux d’énergie personnels et professionnels finissent souvent par aller dans une direction commune. Le quotidien professionnel se nourrit de ce qui nous donne de l’énergie dans notre intimité, et vice versa. Comme pour appréhender le risque, il est important d’avoir une vue précise de nos objectifs long terme pour allouer notre temps intelligemment.
Dans l’ouvrage “Delivering Happiness”, le fondateur de Zappos Tony Hsieh raconte que lorsqu’il s’est retrouvé bloqué dans sa progression au poker, à étudier sans cesse son jeu, il a eu un déclic:
J’ai réalisé que la partie commençait avant même de m’asseoir à une table. En fait, choisir la table où j’allais passer les prochaines heures était l’élément le plus déterminant dans mes gains.
J’ai trouvé l’analogie pertinente. La vie est une succession de tables, où d’autres sont déjà assis, avec qui on choisit de passer du temps et de développer des compétences. Il est très difficile de se lever une fois que l’on est assis.
Choisir sa prochaine table
Aux intersections personnelles et professionnelles majeures de ma vie, il y a dorénavant 3 questions que je me pose avant de m’investir pleinement dans un projet :
À quoi je veux être le meilleur au monde ?
Quelles sont les valeurs qui me sont chères, et les personnes qui les partagent ?
Quelles sont les tâches qui me rendent heureux ?
Si la table n’offre pas la possibilité de devenir meilleur à ce qui m’importe, avec les bonnes personnes, en accord avec mes valeurs, et en faisant ce que j’aime, je change de table.
Car mon temps est limité.
Annexe: exemples d’hypothèses
Pour contexte, le produit était une plateforme de matching pour les adeptes de jeux en ligne multijoueurs, frustrés d’être placés dans des équipes aléatoires.
Kill/hard pivot
Les éditeurs de jeux nous donneront accès aux données des joueurs sur les jeux suivants [A, B, C, D]
Au moins [E]% des joueurs qui accèdent à notre site s’inscrivent
Au moins [F]% des joueurs inscrits créent ou rejoignent un groupe de jeu dans les [G] jours suivant leur inscription
Soft pivot
Le jeu [A] est le plus impacté par les problématiques d’équipes désunies
La priorité des joueurs est de rejoindre des joueurs similaires sur les critères [H, I, J]
Un joueur peut trouver suffisamment de coéquipiers viables dans un groupe de [K] personnes
P/M fit
Nous arrivons à passer la barre des [L] inscrits dans les [M] mois suivant la mise en ligne
[N]% des joueurs créent ou rejoignent un groupe plus d’une fois par semaine
[O] % des joueurs réclament les fonctionnalités de progression par équipe, et sont prêts à les payer