Les 7 rĂšgles d'une conversation productive đ
Le rasoir de Hanlon & Ă©viter de se froisser avec ses proches
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Depuis quelques annĂ©es, il se passe quelque chose dâĂ©trange. Autour de moi, je vois des gens qui coupent les ponts avec des proches, faute Ă des dĂ©saccords irrĂ©conciliables.
Sâil a toujours Ă©tĂ© courant, voire salvateur, de sâĂ©loigner dâamis ou de famille pour des divergences (nous sommes la moyenne des 5 personnes que nous frĂ©quentons), lâĂ©chelle du phĂ©nomĂšne est alarmante.
Dans mon dernier article, je rappelais que jamais les AmĂ©ricains nâont Ă©tĂ© aussi polarisĂ©s. Cela ne sâarrĂȘte pas lĂ : jamais ils nâont Ă©tĂ© plus propices Ă vouloir censurer des opposants politiques (tous bords confondus), voire Ă utiliser de la violence physique sur eux.
Et souvent, lâobjet du fossĂ© irrĂ©conciliable commence par une simple discussion.
Si toutes ne sont pas bonnes Ă avoir, il est bon dâĂȘtre dans une dĂ©marche productive quand on les a, pour deux raisons. Dans un pur intĂ©rĂȘt de grandir, dâabord. Mais aussi pour renforcer nos relations, Ă lâaide de dĂ©saccords sains, Ă rebours des algorithmes qui nous contraignent dans des caisses de rĂ©sonance idĂ©ologiques.
Dans le livre âHow to have impossible conversationsâ, les chercheurs James Lindsay et Peter Boghossian se sont posĂ©s sur la question, et proposent 7 rĂšgles pour avoir des conversations productives. Les voici.
Pourquoi ?
LâinĂ©vitable, et le plus souvent oubliĂ© lorsquâon sâaventure sur des sujets polarisants : dĂ©finir les objectifs. Pourquoi sâapprĂȘte-t-on Ă avoir cette conversation ? Est-ce pour apprendre ensemble, pour se mettre dâaccord sur un sujet, pour sâapprocher de la vĂ©ritĂ© ?
Une conversation peut avoir plusieurs niveaux de discussion, des principes fondamentaux aux badinages. Deux interlocuteurs qui dĂ©battent Ă des niveaux diffĂ©rents seront inĂ©vitablement en dĂ©saccord. Quand cela arrive, il y a une atmosphĂšre particuliĂšre car on sait que quelque chose ne colle pas, mais on nâarrive pas Ă mettre le doigt sur le problĂšme.
Il est donc indispensable dâexprimer les objectifs et le niveau de discussion que lâon souhaite avoir, car sâils sont diffĂ©rents, il est encore temps de les rĂ©concilier.
Ătablir un partenariat
Ensuite, il faut établir un partenariat - comme dans le sport, un désaccord ne fait pas de notre interlocuteur un ennemi, au pire un adversaire.
Lorsque lâon reçoit une information, câest dâabord notre cerveau Ă©motionnel qui la traite, avant le cerveau rationnel. Par consĂ©quent, plus ce que nous disons est reçu âĂ©motionnellementâ, plus notre interlocuteur a de chances de se braquer et de sâĂ©loigner des objectifs.
Le voir comme un partenaire de discussion est le meilleur moyen dâĂ©viter dâentrer dans lâĂ©motionnel, et de garder le cap sur lâobjectif.
Créer du lien
Moins on connaĂźt notre partenaire, plus il faudra prendre le temps dâĂ©tablir un rapport de confiance.
LâidĂ©al est de commencer par des sujets lĂ©gers pour jauger son ouverture dâesprit. Ensuite, il est important de trouver des points communs pour sâancrer, qui nous permettent dâĂ©tablir que nous sommes dans la mĂȘme Ă©quipe, au moins sur une dimension.
Surtout, il faut Ă©viter de pousser sur les sujets hors-limites. Rester courtois et Ă©viter toute forme de condamnation dâune idĂ©e qui nous paraĂźt saugrenue. Investiguer et sâenquĂ©rir avant toute forme de jugement. Ăcouter plus, en somme.
Ăcouter
Car lâĂ©coute est indispensable pour maintenir la conversation au niveau. Essayer consciemment de parler moins, ne pas empiler les sujets dans notre esprit pour pouvoir les dĂ©baller dĂšs quâil ou elle a fini sa phrase, et montrer patte blanche. Par exemple, dans le cas dâune incomprĂ©hension, prendre la responsabilitĂ© : âje crois que je nâai pas compris, tu dis bien que (âŠ)â, plutĂŽt que âce que tu dis nâest pas clairâ.
LâĂ©coute dĂ©passe les sons : câest aussi adopter une posture, un visage souriant, regarder dans les yeux et reconnaĂźtre les Ă©motions de lâinterlocuteur âje perçois que câest un sujet qui te tient Ă cĆur, et je comprends pourquoi.â
Lâempathie est fondamentale pour mettre les formes, mais il faut aussi sâattaquer au fond.
Tirer sur le messager (en toi)
La plupart des gens nâaiment pas ĂȘtre sermonnĂ©s. Prendre une posture de donneur de leçons ou de messager dâune vĂ©ritĂ© prĂ©Ă©tablie est une garantie de froisser. Si tu te dis âah, si seulement il comprenait ça, il changerait dâavis !â, tu nâes pas lĂ pour discuter mais pour dĂ©livrer un message.
Il faut toujours garder en tĂȘte que la personne en face a des connaissances et des expĂ©riences que tu ignores. Câest peut ĂȘtre toi qui te trompes. Rentre dans lâĂ©change.
On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par des raisons qu'on a soi-mĂȘme trouvĂ©es, que par celles qui sont venues dans l'esprit des autres. Blaise Pascal
Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que les individus sont plus propices Ă agir quand ils ont le sentiment dâavoir atteint une conclusion eux mĂȘmes plutĂŽt que quand on la leur dĂ©livre toute faite.
Si ton interlocuteur prend cette posture, sois cordial, attentif et oriente-le hors de sa position en le questionnant et en pointant du doigt ses contradictions. Surtout, souviens-toi du Rasoir de Hanlon.
PrĂȘter des bonnes intentions
Le âRasoir de Hanlonâ est une rĂšgle de raisonnement qui dit quâil ne faut jamais attribuer Ă la malveillance ce que lâignorance suffit Ă expliquer.
Chacun est le héros de sa propre histoire. Nous pensons que nos valeurs sont les bonnes car elles se basent sur notre raisonnement et notre expérience. Les individus réellement malveillants sont trÚs rares, et, dans le cas des psychopathes, difficiles à identifier tant leur empathie leur permet de se fondre dans la masse.
Si ton interlocuteur pense que tes intentions sont mauvaises, admet ta frustration, sans rentrer dans la manipulation : âje perçois que tu me penses insincĂšre, comment pourrais-je te prouver le contraire ?â
Et sâil persiste, rappelle-toi cet adage : âdonât feed the trollsâ. Ne te laisse pas contraindre Ă un Ă©change toxique. Sinon, il est temps dâabandonner.
Savoir partir
Il a deux raisons de quitter une discussion : soit on a atteint notre objectif, soit il est clair que celui-ci est hors dâatteinte.
Lorsquâon reçoit de nouvelles idĂ©es, il nous faut un moment pour les dĂ©velopper et nous les approprier. Ainsi, ne faut jamais pousser son partenaire hors de sa zone de confort : si une graine est plantĂ©e et quâun progrĂšs significatif a Ă©tĂ© fait en direction de lâobjectif, celui-ci a dĂ©jĂ Ă©tĂ© atteint.
Il est plus sain de revenir à un débat plus léger et de reprendre la discussion plus tard.
Lâinverse est aussi vraie : si lâon est frustrĂ©s, ou quâon rĂ©alise que notre partenaire lâest, il est temps de le remercier et de passer Ă autre chose.
Dans le climat dâautocensure quotidien que nous traversons, favorisĂ© par lâanonymisation de nos interlocuteurs, il est plus que jamais indispensable de crĂ©er des ponts plutĂŽt que de les brĂ»ler.
Et tout commence par une discussion.