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Quand on recherche une dose d’inspiration, on a souvent tendance à regarder des interviews récentes d’entrepreneurs visionnaires tels que Jeff Bezos. Mais pour distinguer le storytelling de ce qui s’est réellement passé comme prévu, il n’y a qu’une solution : creuser dans les archives.
En 1998, 4 ans après avoir fondé Amazon et toujours en pleine calvitie, Bezos donne une conférence de plus d’une heure, riche d’enseignements. Je l’ai recoupée avec ses interventions plus récentes pour en retirer ce qui a duré dans le temps 👇
Recrute pour le long terme
I spend about 1/3 of interviews assessing whether or not the candidate can hire great people.
On ne le répétera jamais assez : recruter une personne “presque assez compétente” en urgence, qui sera incapable de recruter des candidats exceptionnels à son tour, peut avoir des conséquences dramatiques. Le problème sera invisible au début, mais perdre 10% de qualité à chaque niveau sur 10 étages hiérarchiques résulte en de nouveaux entrants qui ne dépassent pas 7/20.
Ainsi, Amazon préfère faire passer 50 entretiens et refuser tous les candidats plutôt que de recruter la mauvaise personne. Leur cible : des personnes passionnées, qui travaillent dur. Lors des entretiens, le recruteur garde 3 questions à l’esprit :
Vas-tu admirer cette personne ?
Remontera-t-elle le niveau moyen d’efficacité du groupe qu'elle s’apprête à intégrer ?
Dans quels domaines deviendra-t-elle une superstar ?
Le moindre doute d’un seul membre de l’équipe équivaut à un rejet de la candidature. Là, tu te dis sûrement qu’ils doivent avoir du temps à revendre pour se permettre d’en gaspiller autant. 🤷
Alors pour bien saisir le coût de la perte de temps pour Bezos, il faut comprendre son rapport à l’urgence.
Chaque minute compte
Pour choisir la ville dans laquelle il allait implanter son entreprise, Bezos a mis en place une analyse multi critères, qui incluait notamment le taux d’imposition de l’état ainsi que sa position géographique par rapport aux hubs pour les livraisons à grande échelle (il connaît d’ailleurs par coeur le nombre de vols/jour de chacun des grands aéroports Américains). Mais dans un souci de gain de temps, il avait déjà prévu son déménagement avant de choisir où il partirait vivre.
Il raconte ainsi que lorsque les déménageurs ont fermé le dernier carton de son appartement New Yorkais en lui demandant l’adresse de destination, Bezos leur a répondu de rouler vers l’Ouest et d’attendre son appel. Ça lui a laissé la nuit pour choisir une ville (Seattle) et y trouver un logement.
Pour aller vite et rester agile dans une entreprise en hyper-croissance, Bezos utilise la technique des “two-pizza teams”. Tout comme les sociétés primitives collaboraient de manière optimale avec des équipes suffisamment restreintes pour s’asseoir autour d’un feu de camp, l’équipe contemporaine idéale, selon Bezos, doit être rassasiée avec deux pizzas (bon, ça reste des pizzas de taille Américaine 🍕).
Un autre exemple frappant de l’obsession d’Amazon pour la vélocité est celui de Prime Now (le service de livraison en 1h), tel qu’il le raconte dans sa lettre aux investisseurs de 2016 :
Prime Now délivre dorénavant de nombreux produits, et a été lancé seulement 111 jours après la naissance de l’idée. Dans ce laps de temps, une petite équipe a créé une application, choisi les 25 000 produits qui y figureraient, trouvé un entrepôt pour le stockage, optimisé la logistique, etc.
L’audace et l’efficacité requises pour être aussi rapide dans le lancement d’un produit ne dépendent pas seulement de la qualité des profils recrutés - mais aussi de la culture d’entreprise qui les unit.
Ne compromets jamais ta culture
Competitors can copy your product, but never your culture.
La culture ne se remplace pas. Bezos estime à 40% le degré de chance nécessaire dans la consolidation d’une culture d’entreprise - il faut donc impérativement maximiser les 60% restants.
Chez Amazon, les marges sont faibles et l’argent doit être dépensé pour rendre service aux clients. Alors pour créer des bureaux, on achète des portes, moins chères que des bureaux, et on les dispose sur des tréteaux. Et quand on réalise qu’il faut commander un minimum de 10 livres pour se faire livrer par un grossiste (alors qu’il ne nous en faut qu’un seul), on découvre qu’il suffit de commander des livres qui ne sont pas en stock pour les voir retirés de la commande sans entraver la livraison… et on se fait livrer les bouquins un par un.
Chez Amazon, on trouve que les présentations powerpoint sont confuses. Alors on les a bannies et remplacées par des notes internes de 6 pages. Chacun prend connaissance en silence de l’intégralité du document pendant les 30 premières minutes d’une réunion avant de poser des questions.
Chez Amazon en 1998, 58% des clients sont des clients réguliers, et l’acquisition est principalement faite par bouche à oreille. Alors quand Bezos reçoit un email d’insultes en majuscules parce que le panier d’un utilisateur a été supprimé automatiquement après 30 jours, l’équipe d’Amazon va fouiller dans l’historique de la base de données pour renvoyer à ce client le contenu de son panier… et avec le sourire.
Sois ambitieux dans tes succès comme tes échecs
Pour Jeff, il est indispensable d’indexer la taille des échecs à celle de l’entreprise. Toujours dans sa lettre aux investisseurs de 2016, il explique dissocier 2 types de décisions :
Type 1 : décisions irréversibles avec un impact à long terme
Type 2 : décisions réversibles avec un impact à court terme
Bezos explique qu’en grandissant, les entreprises ont tendance à traiter davantage de décisions de type 2 comme des décisions de type 1, et naturellement diminuer leur niveau de risque et de récompense potentielle, ce qui mène à la stagnation voire la décadence. Il est indispensable de lutter contre ce réflexe pour continuer à innover.
Et pour faire bouger les lignes, il faut cultiver un environnement qui favorise l’expérimentation et l’itération rapide.
Expérimente constamment
Amazon is an experiment laboratory, where our goal is to enhance the discovery process. Ultimately, books will find readers and not the other way around.
L’entrepreneur exhorte ses pairs à être têtus sur leur vision, mais flexibles sur les détails. En d’autres mots, ne jamais cesser d’essayer de nouvelles choses en apprenant de chaque erreur.
Ceci implique de réévaluer ses opinions souvent, pour chercher davantage à évoluer plutôt que de garder la face à tout prix. Et plus on est expérimenté, plus on est tenus d’être humble et d’admettre que l’on a eu tort, ou que l’on a changé d’avis.
Et avant tout, sois clairvoyant
Interrogé sur le futur des recommandations de la plateforme, Jeff Bezos expliquait il y a 22 ans que l’intelligence artificielle, et plus spécifiquement les réseaux de neurones, joueraient un rôle majeur dans l’algorithme. Il mentionnait également qu’il y aurait bientôt des logiciels permettant de centraliser efficacement les retours clients, comme tous les autres aspects de l’entreprise. En d’autres mots : software will eat the world.
Ces prédictions de 1998 se sont avérées vraies, et semblent évidente à posteriori, mais ne l’étaient pas à l’époque. Car Bezos est avant tout un visionnaire rationnel, un esprit méthodique qui est capable de dresser un tableau précis d’une situation et de prendre suffisamment de hauteur pour observer la direction et la vitesse à laquelle évoluent les faisceaux.
Ainsi, je clôturerai sur son expression la plus iconique :
Everyday is day one at Amazon.
Très intéressant. Merci. Je m'abonne.
Attention au pleonasme inutile : "...se sont naturellement avérées vraies."
"Avérées" suffit ;-)
Super édition !